toute ces choses fondamentales.
Avec sa petite tête d'indienne loin d'être toujours sage, Jaya faisait la polémique. On l'insultait, on lui disait des choses moins agréables, le message venait surtout des filles. Alors elle était presque toujours entourée de garçons, courait comme un garçon, et jouait presque mieux au football qu'eux. Les Etats Unis racontés par ses parents, étaient une merveille, un conte de fée qu'elle voyait parfois. Comment trouver quelque chose fantastique lorsque ce contre quoi la comparaison est faite, n'a aucune image à nos yeux ? Elle n'avait aucune idée de la pauvreté dans laquelle vivait ses parents, et tant qu'elle était avec eux, ça ne la dérangeait pas, ou du moins, ça ne l'aurait pas dérangée, mais elle n'avait pas son mot à dire. Trop petite, pas assez importante pour qu'on estime important de tout faire pour qu'elle soit bien dans d'autres circonstances que l'abandon. Jaya trouvait donc réconfort dans les bras de sa tante. Elle était mariée à un américain, le nom de Gadhavi disparu pour Peterson.Des cousins avec qui elle ne s'entendait pas, et une cousine qui était une soeur. C'est qu'en réalité, elle a eu une enfance banale la petite Jaya, et elle ne peut ni se plaindre d'avoir été battue ou affamée. Elle a toujours eu tout ce dont elle avait besoin et plus encore. Sauf le plus important. Ses parents.
L'université, ou l'époque de tous les défis. C'est à la popularité que Jaya doit ses meilleurs souvenirs. Elle n'était pas l'une de ces filles qu'on a envie de frapper parce que popularité rime avec torture mentale aux rejetés, mais plutôt belle à faire retourner les garçons les plus beaux et pas toujours les moins écervelés, gentille envers les délaissés, autant qu'elle pouvait être pestes envers les plus pestes qu'elle.
« Les maths me font défaut, j'ai besoin de toi. Cinq heures, chez moi. » Elle l'avait séduit avec des équations à plusieurs inconnus, et des fonctions à en perdre la tête, ou était-ce le contraire, c'était une séduction à double sens entre la fille connue de tous, et le garçon dont on entendait parler ni en bien ni en mal, le discret qui cachait son jeu et qui était au moins aussi fou que les autres. Elle l'épousa juste après avoir réussi son entrée chez les pompiers. Un mélange des coutumes chrétiennes et indiennes, pour satisfaire aussi bien l'un que l'autre. Jaya et lui, à cette époque, ils étaient plus unis que les doigts de la main, plus amoureux que quiconque, et le nom de "couple parfait" leur avait été donné maintes et maintes fois. San Francisco est devenue sa maison de coeur.
Ce devait être son jour le plus beau, et pourtant, elle n'en avait pas l'impression. Ce bébé, elle ne se sentait pas à l'aise à son contact, elle avait l'impression qu'elle n'était pas la mère qui lui correspondait.
« Prends le... chéri prends le vite s'il te plait, j'en peux plus... » L'enfant pleurait sans cesse, elle n'arrivait pas à le calmer, et elle restait éveillée pour rien parce qu'elle n'était capable de rien. Son fils la rejetait, il sentait qu'elle était une mauvaise mère alors il préférait la présence de son paternel plutôt que Jaya. Tout ce qu'elle avait envie, c'était de retourner à la caserne et de travailler pour ne plus penser au poids qu'elle avait sur les épaules. Son fils était un poids. Il n'avait que quelques semaines et elle avait du mal à le supporter. Pourtant ils l'avaient décidé ensemble de l'avoir cet enfant, elle s'était préparée à son arrivée, avait fait la chambre d'enfant elle-même avec ses meilleurs amis, et prévoyait déjà les écoles du petit. Sa naissance avait soulevé toute les peurs qu'elle avait.
« Gadhavi ! Laisses le... GADHAVI !! Putain elle va le faire... » Son chef jeta son casque au sol alors que l'indienne venait de partir à toute allure au derrière d'un homme qui se cachait dans la forêt. Ce n'était pas la première fois qu'elle voulait se jeter dans la gueule du loup, mais là, elle était partie sans crier gare. Trop suspect pour être juste une personne perdue et prisonnière d'un feu qui venait d'être maitrisé, par chance, avant qu'il ne s'étende trop.
« Arrêtez vous ! » Il courait comme un fou, et elle gardait la cadence. Elle sentait que si elle écoutait ses jambes et son corps, ils ne l'auraient pas. Elle n'avait pas réfléchi à ce qu'elle ferait si elle venait à lui mettre la main dessus, mais elle improviserait. Son prénom lancé par ses collègues, s'effaçait à mesure qu'elle avançait toujours à vive allure. Elle s'arrêta alors qu'elle ne savait plus dans quelle direction il était parti. Le temps qu'elle ne reprenne son souffle, on la frappa par derrière et elle perdit connaissance, entendant au loin une voix lui murmurer
« Cours, cours petite fille... » le reste, elle ne l'entendit pas. Elle sentit juste la chaleur envahir ses poumons. Le feu. Il venait de mettre le feu autour d'elle. Ses collègues furent là avant qu'elle n'en subisse plus de conséquences physiques qu'elle n'avait déjà. Elle n'en est pas sûre, mais elle jurerait qu'à l'hôpital, quelqu'un a touché à sa perfusion et est parti dès qu'elle a ouvert les yeux.
Un quotidien devenu enfer alors qu'elle se sent toujours épiée, surveillée, chez elle, dehors. Elle prend des cours pour pouvoir se défendre, et connaître des techniques de combat si elle venait à devoir s'en servir. Elle ne se sentait protégée de rien, seul son mari pouvait l'approcher, et l'histoire devint si grande qu'elle dû voir un psychiatre. Entre le stress de la grossesse et l'agression, elle a été frappée par une dépression passagère qui fut assez vite réglée après de grands efforts.
C'est mieux comme ça, c'est ce qu'elle se disait alors que le divorce était bel et bien terminé. Avant qu'ils ne soient effectivement désunis, elle pensait qu'il n'y avait plus rien à faire, que leur seule solution était de ne plus être ensemble, définitivement, de ne se parler que pour le bien de leur fils, et arrêter de se disputer, pour la même raison. Aujourd'hui, elle n'est plus certaine de rien. Elle a beaucoup d'affection pour lui, de l'amour, peut-être, elle ne sait pas, elle est bien loin de lui pour l'instant. Un amour qui se fane avec le temps, avec les délires de madame Gadhavi, que son ex-mari lui a toujours passé. Jaya se dit que peut-être, ce n'est qu'un nouveau départ, et qu'elle repartira du bon pied. Ce n'est pas exactement ce que pense leur fils qui voyage entre l'un et l'autre.