SALEM PELLEAS SABERHAGEN (KJ Apa)

Pourquoi a-t-il fallu que le Dr. Goldberg parte à la retraite. Il était ton psy depuis maintenant deux ans à San Francisco, ça avait été déjà difficile de trouver quelqu'un pour remplacer le précédent de Houston. Tu détestes cette nouvelle salle d'attente. Silencieuse. Sobre. Dénuée de vie. Tu pourrais presque entendre les battements de ton coeur. Quand c'est finalement ton tour, tu pousses un soupir de soulagement, priant pour que le bureau du nouveau psy soit moins triste que sa salle d'attente. Et c'est le cas, heureusement pour toi. Beaucoup de bouquins sur des étagères. Des diplomes accrochés au mur. Des photos de famille tournées de sorte à ce que je ne puisse en voir aucune, seule le Dr. Newsome peut les voir. Belle femme en fin de trentaine, les cheveux blonds, les yeux noisettes. Elle a un sourire qui rassure, elle doit être maman, ça se lit sur son visage. La bienveillance d'une maman. Et tout de suite la tension accumulée dans ton corps se relâche. "Bonjour, vous devez être Mr. Saberhagen. Je suis le Dr. Newsome." Elle glisse avec une poignet de mains délicate. "Enchanté, appelez moi Pelleas, je préfère ..." Tu lui réponds souriant chaleureusement. Elle sourit et t'invite à t'allonger sur son sofa. Tu déclines, préférant rester assis. T'allonger sur le sofa d'un psy t'a toujours paru effrayant. Comme si tu étais beaucoup plus malade qu'on pourrait le croire. Alors qu'assis, tu as juste l'impression de discuter. "J'ai bien évidemment reçu les notes de mon confrère le Dr. Goldberg mais j'aimerai que vous me parliez de vous. Je veux entendre les mots sortir de votre bouche pour me faire une image de vous lors de notre première séance si ça vous va." Elle me dit d'une voix calme, elle prend le temps d'articuler. Tu acquiesces, déglutis, prends une profonde inspiration et tu te lances dans le récit de ta vie.

"Je suis né au Texas. À Houston. Mes parents sont fermiers en dehors de la ville, loin en dehors ... J'ai deux frères et trois soeurs. Samuel, l'aîné, a trente ans, il est zoologue. Ensuite il y a Sienna, vingt-huit ans, elle possède son propre salon de tatouages. Puis il y a les jumeaux Sofia et Seth, ils ont vingt-six ans. Sofia travaille dans un ... sex shop. Et Seth est pompier depuis pas très longtemps. Ensuite il y a moi bien sûr ... Puis la dernière de la fratrie, Stella, elle a vingt-et-un ans et est étudiante en médecine." Tu lui dis brièvement pour qu'elle connaisse le contexte familial. "Des noms commençant par la lettre S pour chacun ... Pourquoi vous faites vous appeler Pelleas ? Il est écrit sur mon dossier que votre prénom est Salem. Avez-vous honte de votre prénom ?" Elle t'intérroge avec une expression sérieuse. "Oh ... Pelleas est mon second prénom. Mon prénom usuel est Salem. Salem Saberhagen. Comme le chat de Sabrina ..." Tu lui avoues un peu honteux. Devant son visage perplexe qui ne semble pas comprendre la référence, tu tentes de lui expliquer. "Il y avait cette série pour les gamins il y a quelques années. Sabrina l'apprentie sorcière. Elle vivait avec ses tantes, des sorcières. Et son chat noir qui parle. Qui s'appelle exactement comme moi. Du coup on s'est beaucoup moqué de moi quand j'étais petit. On m'appelait Le Chat. Ou alors Minou Minou. En grandissant j'ai préféré qu'on m'appelle Pelleas." Tu expliques clairement. Elle sourit et notes quelques mots sur son calepin.

"Bref. Du coup venons en à moi. Salem Pelleas Saberhagen. Vingt-trois ans. Escrimeur. J'ai gagné la médaille d'or en escrime aux Jeux Olympiques de Rio l'an dernier." Tu dis avec beaucoup de fierté. "J'ai jamais été très doué à l'école. Sauf en sports. J'aidais beaucoup mon père et ma mère a la ferme. Chacun avait une tâche précise. Ma mère et mes soeurs s'occupaient des animaux et mes frères et du champ et des machines. Mes frères étaient costauds, ils s'occupaient du champ généralement. Mais mon père et moi on réparait le tracteur, la voiture et d'autres trucs. Du coup je suis assez doué en tant que mécano. Je pensais en faire mon métier. Mais c'était avant de m'inscrire dans un club d'escrime. Je me souviens, j'aimais tellement ça ! J'étais naturellement doué et je sentais un grand bonheur à chaque fois que j'avais le fleuret en main. J'ai réussi à finir le lycée grâce à l'escrime. Mes parents m'avaient dit que si je n'avais pas mon diplome, c'était fini l'escrime. Alors j'ai travaillé dur et j'ai réussi à avoir tout juste la moyenne." Tu dis en riant, te remémorant les bons souvenirs de ton enfance. Avant de passer aux mauvais ...

"Je faisais du tir à l'arc aussi. En plus de l'escrime je veux dire. J'aimais beaucoup ... Mais j'étais pas aussi bon qu'avec une épée. J'avais seize ans, je me souviens, j'avais participé à une compétition avec le club de tir à l'arc. Et un adversaire n'arrêtait pas de me dévaloriser. De pointer du doigt ma nullité ... Et j'ai fini par perdre. Je me suis senti humilié, faible, moins que rien, un incapable. Je ne sais pas trop ce qui s'est passé, il y a des zones floues. Je sais juste que j'ai grimpé sur le toit de la maison. Et j'ai sauté. J'ai fini à l’hôpital, j'y suis resté pendant un mois avec quelques os brisés, une commotion et beaucoup de contusions. Ils m'ont emmené voir un psychiatre qui m'a diagnostiqué un truc. Mais en gros, j'ai des troubles de l'humeur. Et ma tentative de suicide a été le résultat d'une de ces sautes d'humeur. On m'a prescrit des cachets mais j'ai abandonné le tir à l'arc et ça allait beaucoup mieux. Quand je me sens triste ou déprimé, j'appelle l'un de mes frères ou l'une de mes sœurs. Et on discute jusqu'à ce que je me calme. Et ça fonctionne pour le moment. Après ça, mes parents ne voulaient plus que je fasse de l'escrime, de peur que si je perde, je refasse une bêtise. Mais en m'enlevant l'escrime, j'aurais été plus déprimé encore. Alors ils m'ont laissé faire et ils ont bien fait sinon jamais je n'aurais pu participer aux JO l'an dernier. Maintenant je peux vivre de ma passion. Mais ils guettent mes compétition. Ils font en sorte que quelqu'un de la famille soit présent physiquement à chaque compétition. Et si jamais je venais à perdre, chacun a reçu l'ordre de ne jamais me quitter physiquement jusqu'à l'arrivée des autres, afin d'éviter que je ... recommence. Je ne sais pas si je le ferai. Je ne me souviens pas avoir sauté du toit. Je me souviens juste cette immense tristesse qui m'a noyé ..." Tu lui dis d'une voix grave mais qui ne tremble pas. Tu peux en parler, ça ne te fait plus de mal. Tu es trop heureux en ce moment pour te laisser affecter par des souvenirs douloureux.

"Récemment, ça fait donc depuis l'an dernier que j'ai déménagé à San Francisco, par rapport à mon métier. Je voulais gagner un peu d'indépendance et je m'en sors bien. Même si mes parents m'appellent souvent pour être sûrs que je vais bien. Je me prépare pour les prochains Jeux Olympiques d'été en 2020 à Tokyo. Et je compte bien remporter une autre médaille d'or." Tu finis par lancer en riant, assuré. La séance se termine sur cette note légère. Le Dr. Newsome te raccompagne à la porte et tu t'en vas ravi d'avoir trouvé un psy correct. Elle ne t'a pas fait payé car elle n'avait rien à dire, elle t'a juste laissé parler. Le vrai travail commencer la semaine prochaine lors de votre seconde séance, c'est ce qu'elle t'a dit en tout cas. Et ça te rassure si elle sait déjà quoi faire de toi. L'après-midi touche à sa fin quand tu rentres chez toi. Tu passeras le reste de ta soirée sur Tinder, Twitter, Instagram et Snapchat, tout en t'abrutissant sur Youtube.